Des cicatrices visibles, une "révolution" qui était "nécessaire", une prise de conscience... où en est la Nouvelle-Calédonie un an après les émeutes?

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Des cicatrices visibles, une "révolution" qui était "nécessaire", une prise de conscience... où en est la Nouvelle-Calédonie un an après les émeutes?

Des cicatrices visibles, une "révolution" qui était "nécessaire", une prise de conscience... où en est la Nouvelle-Calédonie un an après les émeutes?

Les étals du marché s'alignent parfois à même le sol dans le parc du quartier de Rivière-Salée. Jacqueline, la quarantaine, ajuste ses bocaux de confiture et ses plats fait maison. "Je viens me faire une petite pièce", souffle cette mère de famille, sans emploi depuis février: "Il faut bien".

Les émeutes de mai 2024, qui ont fait 14 morts et plus de deux milliards d'euros de dégâts, ont laissé des cicatrices visibles dans ce quartier multiculturel, l'un des plus grands de Nouméa.

"Il ne reste plus grand-chose. La médiathèque, brûlée. Le pôle de la mairie, brûlé et fermé. L'annexe CAFAT (la sécurité sociale locale, ndlr) pareil, brûlée et fermée. Le collège, fermé. Le seul supermarché qui proposait des prix réduits: fermé", égrène Francis Maluia, à la tête de l'association Solidarité RS, qui aide les habitants du quartier.

Sur sa liste de familles à aider dans le quartier, M. Maluia a 600 noms. "Mais on sait qu'on en loupe", reconnait-il. Chaque semaine, pour sa distribution d'aide alimentaire effectuée dans sa propre cour, "on voit cinq ou six nouvelles familles".

Dans ce décor de friches et de vitrines calcinées, commun à plusieurs quartiers populaires de Nouméa, les solidarités se sont réorganisées. Solidarité RS, créée dans la foulée des émeutes, n'est pas isolée. Chaque quartier semble avoir monté son association, comme s'il fallait recréer du lien social.

"Les oubliés"

À Kaméré, dans le nord de Nouméa, Jacques et JB, la vingtaine tous les deux, font griller les brochettes qu'ils vendent en marge d'un petit événement de quartier. Vêtus de tee-shirts défraîchis, ils sont venus de leur quartier de PK4 pour "soutenir" les organisateurs, une association locale.

"Cette mouvance, cette solidarité s'est créée partout. Ça s'est structuré dans les quartiers à partir de juin dernier. Sans ça, on serait déjà tombés", lance JB avec douceur.

Un sourire aux lèvres, il ne cache pas qu'il était sur les barrages de la Vallée-du-Tir, un autre quartier de Nouméa, le 13 mai 2024. "Pour moi, c'était pas des émeutes, c'était la révolution", lance-t-il.

Pour Jacques, plus âgé, les émeutes ont donné la parole aux "oubliés, les sans-classe". Un sursaut avant de retomber dans l'oubli, reprend celui qui n'a "plus confiance" dans les politiciens de tous bords. "Ils n'ont rien fait pour nous et ils ne nous représentent plus".

Quand on lui demande si les émeutes ont rapproché la Nouvelle-Calédonie de l'indépendance, il secoue la tête: "Non, le 13 mai, c'était le ras-le-bol. Mais après, les gens se sont débrouillés. Ils se sont serré les coudes".

"Nécessaire"

À la Vallée-du-Tir, un des quartiers les plus marqués par les émeutes, Marion Leclerc, 27 ans, s'affaire dans le local de l'Union des groupements de parents d'élèves (UGPE). Fines tresses et tatouage discret dans le cou, elle a rejoint l'association trois jours après les premières flammes. "C'est ça qui me fait me lever le matin", glisse-t-elle.

Elle n'a pas oublié la nuit du 13 mai. "On était là avec nos drapeaux, on chantait, c'était joyeux. Et puis d'un coup, c'est parti", se souvient-elle, évoquant des magasins saccagés, l'intervention des forces de l'ordre alors que le vote sur la définition du corps électoral, déclencheur des émeutes, était toujours en cours à l'Assemblée nationale.

Rentrée chez elle pour éviter les risques, elle rejoignait dès le lendemain le pôle médical du comité de lutte du quartier. Sans "cautionner" les violences, elle estime un an plus tard que c'était "nécessaire, dans le sens où la jeunesse a enfin réussi à se faire entendre".

Face aux critiques sur les destructions et la crise économique qu'elles ont provoquée, Marion balaye l'argument. "Ces difficultés, ça existe depuis des années. Les gens viennent seulement d'ouvrir les yeux", lâche la jeune femme sans emploi malgré son BTS hôtellerie-restauration.

Et demain? Elle hésite, puis tranche: "J'imagine une Kanaky (nom donné par les indépendantistes kanak à la Nouvelle-Calédonie, NDLR) indépendante, forcément indépendante. Mais le truc que j'aimerais avant tout, c'est d'avoir la paix". Elle soupire, lasse des querelles sans fin: "C'est lourd en fait".

Var-Matin

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